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LA ROUTE ROYALE di Tamara Triffez – Numero 4 – Aprile 2016

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LA ROUTE ROYALE

 

Je me hasarde souvent, dans mes reportages, à la recherche des anciennes racines culturelles que conservent les êtres humains en divers endroits de la planète. J’ai suivi ces dernières années, un parcours qui met en évidence les procédures de l’évolution humaine.
Qui se manifestent à travers l’art, les mythes, les religions, dans le but d’affirmer pleinement leur dignité.
Mon point de départ est la description des événements, la réflexion sur la vie quotidienne, qui s’exprime, entre autre, dans les fêtes religieuses. Et c’est à partir de cette prémisse que je décidai de suivre les fêtes de Pâques en Sicile, et les nombreux événements qu’elles incluent. Avec enthousiasme et vitalité j’ai côtoyé la mise en scène des fêtes et les protagonistes des tableaux vivants.

Chers amis,   

 

Je vous prie de me prêter un moment d’attention pour quelques mots confiés à la courtoisie de Tamara. Cet événement s’appelle globalement L’Italie Vue d’En Haut, mais dans le cas de Tamara, je devrais dire “vue de l’intérieur» parce que, comme tous les grands voyageurs, Tamara est une artiste qui se meut pour voir les gens de très près, pour étudier la possibilité de s’identifier avec eux. Son exposition a pour thème la Voie Royale qui indique, en substance, la route rectiligne, celle est tracée par l’Art. C’est la Sicile qui se met en scène à travers les processions, ces moments où se fait particulièrement fort, en chacun de nous, le sentiment d’un passé qui pèse sur le présent. Mais, ce passé peut être facilement vu, du moins par le profane, de deux points de vue opposés et associés: la solennité et le ridicule. Les citoyens qui deviennent tous acteurs de la représentation sacrée sont des êtres vivants de chair et d’os, mais ils incarnent dans le même temps des rôles tellement importants et inquiétants qu’ils laissent la plupart du temps ceux qui les observent de l’extérieur, interloqués. Y croient-ils vraiment? Sont-ils capables d’identifier ces personnes avec le Christ, ses tortionnaires, le peuple spectateur qui accompagne la souffrance et exulte? Bien sûr, la réponse est oui, et elle n’est pas difficile à donner. La suggestion collective est une réalité vérifiable et émouvante. Et notre Tamara, que voit-elle de son noir et blanc net et propre avec lequel elle scrute les gens à une distance, qu’elle réduit au minimum? Elle voit le Personnage et l’Homme se chevaucher, tellement indiscernables qu’ils nous incitent à croire sérieusement dans un monde ancestral qui, en toute ignorance totale, parcourt la Voie Royale. Tamara Triffez a dédié et consacré Sto arrivando! vie à ce type d’enquête. Son intérêt est peut-être plus aigu au Tibet, sur ce paradoxe historique tragique que constitue la destruction, ou plutôt la tentative d’anéantissement d’une Voie Royale, au nom d’une idéologie erronée, qui a cru triompher par l’annihilation. Tamara, en tant qu’artiste, s’est opposée, et s’opposera toujours, en tout effort d’annihilation des héritages qui, même s’ils sont différents dans diverses parties du monde, sont intrinsèques à l’existence même de l’être humain. De ce point de vue Sto arrivando! Sicile et son Tibet ne sont pas différents; et ils ne le sont pas car l’approche de l’artiste est la même. Tamara donne à ceux qui regardent son travail un sentiment de participation. La séquence d’images est dans la procession, ce n’est pas un regard curieux de l’originalité typique ou de l’étrangeté; mais le regard de ceux qui, évangéliquement, ne jugent pas mais regardent. Il voit les grandeurs et les faiblesses du monde que le vent assemble, parce que, ensemble, ils ont toujours existé et existeront toujours. Bien sûr, les personnages de la procession, dans certains endroits extraordinaires come Piana degli Albanesi, sont des citations incontournables des grands arts figuratifs du passé. Les pleureuses semblent sorties des statues de bois du Moyen Age et de la Renaissance, le Christ qui passe ou git semble généré par la culture figurative maniériste. Mais cela, personne ne doit le savoir, pas même l’artiste qui erre parmi les gens avec son appareil photo. À son approche, cependant, la foule se disperse comme si l’acte photographique était lui-même acte sacré, parce qu’il sanctifie l’inconscience de ceux qui ne savent pas pourquoi il sont là ni pourquoi il faut prendre des attitudes préconçues. Dans la procession tout est prescrit, tout est déjà arrivé, mais Tamara cueille l’expression de doute, la perplexité, la distraction, l’illusion, qui transparaissent dans les visages si puissamment chargés de passé qu’ils en deviennent fascinants. Les photos ont été faites récemment à l’occasion des fêtes de Pâques. Mais la date n’a pas d’importance, parce que tout cela peut avoir toujours existé, bien qu’il soit très probable qu’il ne se soit jamais produit comme nous le voyons dans les photos de Tamara. Il ne s’agit pas suspendre le temps, ce qui est impossible, mais de dépeindre les émotions avec une claire conscience que la fiction de l’art conduit sur la Voie Royale. Tamara appartient à cette catégorie de personnes qui voit la vie uniquement comme énergie positive, mais de ses images n’émane aucun sentiment d’optimisme inconscient. Le fait est que l’artiste est profondément consciente de ce qu’elle représente et de ses implications, mais ne traite pas les personnes représentées en tant que matière d’un exercice hédoniste. Malgré la beauté claire de ses images, il n’y a jamais de sentiment d’arrêt extatique, qui saisirait un moment comme particulièrement beau ou suggestif. L’entrée du photographe dans la procession se déroule, au contraire, avec l’intention de se faire une place dans un monde qui pourrait nous rejeter parce que nous ne le connaissons pas et que peut-être nous le craignons. Nous craignons de blesser des sensibilités anciennes, de ne pas respecter les règles qui nous sont inconnues, mais qui semblent, là, évidentes; nous avons peur de manquer de respect involontairement seulement par manque d’information. Toutes ces craintes sont latentes dans le regard de Tamara mais elles sont exorcisées par la force de la relation entre la photographe et celui est en face de la caméra. C’est précisément pour cette raison, que nous ressentons une plénitude et une impression de raison et de spontanéité, qui, si nous les vivons bien, pourraient nous rajeunir.   

 

Avec mes salutations les plus chaleureuses,   

 

Claudio Strinati

La Sicile est une terre riche en tradition et véritables rituels ancestraux, qui témoignent encore aujourd’hui des origines légendaires et multi-culturelles au cœur de la Méditerranée.

L’objectif de mon appareil photo a suivi le dimanche des Rameaux à Piana degli Albanesi, un village fondé il y a des siècles par les communautés albanaises, et a conservé sa tradition orthodoxe, mise en évidence par quantité d’us et des coutumes, inattendus, les popes, les croix … le pope chevauche un âne, pour retracer l’entrée de Jésus-Christ à Jérusalem. Parmi les nombreuses célébrations, j’ai ressenti dans la représentation de la vie du Christ de Marsala, le sentiment d’un voyage dans le temps; un aperçu de la vie à Jérusalem il y a deux mille ans. La puissance évocatrice des représentations trouve Sto arrivando! source dans la participation intense des acteurs et spectateurs, tous habitants des villes et villages.

Il y a des cérémonies où tout le monde vit, à travers des représentations, son propre parcours de vie et son propre élan spirituel. Comme dans les Mystères du Moyen Age, il s’agit d’une expérience humaine religieuse fortement cathartique.

J’ai également suivi la représentation préparatoire des mystères de Trapani, où les jeunes enfants des diverses congrégations apprennent à porter des statues miniature. L’art du pas rythmé, du portage, et le rythme de tric trac, instrument récurrent dans le sud de l’Italie et celui conquérant de la fanfare.
J’ai documenté les processions de Palerme, la procession de Cocchieri, des traditions qui se poursuivent depuis le XVIIe siècle; la procession du marché Ballarò et le Vendredi Saint de San Mauro Castelverde, un petit village lové autour d’un pic montagneux des Madonie, où on peut assister au baiser de Judas, à Sto arrivando! pendaison, au Chemin de la Croix, à la Crucifixion. À la douleur d’un homme. Au cours de cette visite, la montagne était étrangement enveloppée dans un brouillard dense et froid, qui donnait un sentiment de malaise et d’irréalité.
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Chaque événement indique ainsi un chemin entre sacré et profane.

Le dimanche de Pâques à Ribera, par exemple, où les hommes épuisés par le long parcours et le poids des différents tableaux – représentations du Christ, de la Vierge Marie et de Saint-Michel – sont autorisés à boire l’eau bénite, en récompense de leur dévouement. La bouteille vole rapidement de main en main pendant que la foule, émue, chante et saute. La ferveur s’approfondit, la cacophonie des pétards explose, des nuages de confettis sont libérés dans l’air. Le tout pour nous rappeler de la résurrection du Christ.

Les colombes volent entre les bannières et, en ces jours, réapparaissent, au-delà des expressions un peu profane, l’âme anxieuse de connaissance, le chemin de la souffrance et, enfin, la joie, la libération, de la résurrection.

Par le choix de ce thème ancien et profond j’ai voulu rendre hommage à la vie du Christ, révélant par Sto arrivando! souffrance extrême, l’essence divine, la transcendance. La recherche que l’homme exprime depuis des millénaires.
 
«La Voie Royale», le titre de ce reportage, est une expression utilisée dans la passé. Elle indique le chemin, la route droite, par laquelle on évite les déviations et les tours et détours qui peuvent confondre l’âme, l’approche symbolique de la Jérusalem céleste, symbole du Christ.

 

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