Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale le développement envisagé pour le Sud a été, en fait, « dirigé de l’extérieur”, peu pertinent pour les réalités locales, manquant d’attention aux sujets émergents et d’une inattention inquiétante à la qualité. Au contraire, le développement est un processus lent qui devrait être construit avec la participation des nombreuses personnes qui ne peuvent pas être considérés comme des «bénéficiaires» mais des protagonistes.
C’est un facteur déterminant et non un appendice du développement. Habituellement, personne n’est ouvertement hostile ou opposé aux politiques sociales, mais dans les faits, nous voyons qu’elles ne sont mises en œuvre que lorsque l’économie est florissante ou en phase de croissance. Au contraire, maintenant nous assistons à des désinvestissements et à des coupes. Mais s’il n’y a pas une communauté cohérente, il n’y a pas d’amour pour les règles et il ne peut pas y avoir de développement.
Le phénomène important de décrochage scolaire, la faible capacité d’attirer et retenir les « cerveaux » au Sud, l’abandon et la négligence des biens publics, l’incapacité à valoriser notre patrimoine, ne sont que quelques exemples d’une culture politique myope qui, en plus de causer des dégâts directs à l’économie (il suffit de penser aux coûts pour gérer les « urgences » ou limiter les dégâts), prive le Sud et le pays d’un potentiel de développement énorme. Un exemple significatif en est la gestion de la garde d’enfants, qui, étant donné l’importance de l’écart entre le Nord et le Sud et le reste de l’Europe devrait être la priorité d’une politique un tant soit peu attentive à «l’avenir» de l’Italie. En Calabre, la couverture des services de crèches est d’un peu plus de 2%, tandis que dans l’Émilie-Romagne, le pourcentage d’enfants pris en charge par ce type de services est de 27,3%. Un énorme gaspillage de potentiel humain qui vaut également pour beaucoup d’autres régions du Sud comparées au Centre-Nord. Il faut ajouter aussi que le Conseil Européen de Lisbonne avait fixé pour 2010 un objectif de couverture en crèches de 33% dans chaque État membre. Un écart de citoyenneté, pourrait-on dire, qui commence à un âge précoce et qui continue en croissant et s’ajoute à d’autres problèmes, jusqu’au baccalauréat et au-delà. Quel sens a-t-il alors de développer de riches systèmes incitatifs pour attirer les investisseurs dans des régions desquelles, très souvent nous voudrions que nos enfants s’en aillent?
Il faut engager une bataille culturelle et politique pour le Sud qui, tout d’abord, vise à aller au-delà de l’écart de PIB entre le Nord et le Sud et qui modifie la hiérarchie des interventions, des priorités, avec la conviction que la cohésion sociale, l’affirmation d’une logique communautaire adaptée ne sont pas des conséquences, mais des conditions préalables indispensables au développement.
Il faut refaire de la Politique (avec un grand P), récompenser l’exercice de la responsabilité, plutôt que les déclarations de loyauté, en développant une culture permanente de réseau, de confrontation, de débat, et d’écoute. En somme, nous devrions investir à nouveau dans les classes dirigeantes. Dans ce défi, le secteur tertiaire devrait jouer un rôle important, parce que – au-delà des cas sensationnels qui font l’actualité – il est capable d’exprimer un possible renouveau, porteur d’expériences et de bonnes pratiques qui, en fait, sont des éléments constitutifs de la vraie politique dans les territoires. Et je ne me réfère pas seulement aux aspects de solidarité et d’intégration, même s’ils sont importants, mais aussi aux dynamiques de réseau qui augmentent les possibilités de l’économie civile et le développement d’un bien-être commun.
Si nous imaginons un modèle qui ne cherche pas à tout prix un niveau de richesse improbable mais le développement ordonné et durable de nos territoires, alors nous pourrons construire un Mezzogiorno meilleur.
Il est clair que les importantes différences de richesses disponibles constituent une source formidable de différences dans les conditions de vie et il est fondamental de rappeler que le pays, malgré tout, a une obligation de solidarité avec le Mezzogiorno. Mais nous devons évaluer la validité de cette approche : est-ce la bonne, est-elle viable, est-elle culturellement gagnante et politiquement productive?